Les Personnages de la Chambre Épisode 4: Rémi Massé

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Les Personnages de la Chambre Épisode 4: Rémi Massé
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Dans ce balado, Rémi répond aux questions suivantes :

  • Avez-vous grandi dans un foyer ou une communauté politique?
  • Pouvez-vous me parler de votre processus de nomination?
  • Vous avez mentionné que vos objectifs étaient de soutenir activement le développement économique de votre région. Pourquoi?
  • Pouvez-vous expliciter votre processus d’intégration et d’orientation? Est-ce que vous vous êtes senti bien soutenu, aussi bien de façon formelle qu’informelle?
  • Encore à ce stade précoce, quelle était votre relation avec le chef de votre parti?
  • Cette relation a-t-elle évolué au fil du temps?
  • Quelle a été votre courbe d’apprentissage? 
  • Avez-vous un exemple démontrant l’importance des médias et le défi qu’ils représentent?
  • Pouvez-vous me parler de l’autonomie des député.e.s? Est-ce que votre parti s’attendait à ce que ses priorités passent avant les demandes de votre circonscription?
  • Pouvez-vous décrire la culture du travail au Parlement?
  • Avez-vous fait face à la toxicité en ligne dans ce rôle?
  • Comment selon vous les questions relatives à la langue ont-elles été perçues et priorisées?
  • Pouvez-vous décrire les points forts de votre mandat?
  • Pourquoi la concentration du pouvoir était-elle l’une de vos grandes déceptions?
  • Vous avez aussi fait référence aux égos de certains collègues. Pouvez-vous m’en dire plus à ce sujet?
  • Pouvez-vous me raconter des moments amusants dans la Chambre?
  • Pouvez-vous décrire en quoi votre processus de désengagement était intense? 
  • Quelle est la nature de votre relation avec votre circonscription aujourd’hui?
  • Avez-vous des recommandations pour améliorer l’expérience des député.e.s?

Script de l'épisode

Chloë Hill: Salut, bonjour, je m’appelle Chloë Hill. Je vous remercie d'écouter Les Personnages de la Chambre, une baladodiffusion du Centre Samara pour la démocratie. Dans ce balado, nous ne parlons pas seulement des député.e.s, nous nous adressons directement à eux et à elles. Nous creusons sous la surface pour apprendre ce que représenter sa communauté dans la capitale de notre pays signifie vraiment. Nous voulions tout savoir : ce qui se passe en coulisses, y compris les drames et les intrigues politiques. Mais surtout, nous voulions découvrir les député.e.s en tant qu'êtres humains ayant leur propre histoire à raconter.

Dans cette série en six parties, nous entendrons les témoignages d'anciens et anciennes député.e.s des 42e et 43e législatures du Canada, c'est-à-dire des parlementaires qui ont quitté leurs fonctions entre 2015 et 2021. Nous découvrirons leur expérience à la Chambre des communes et entendrons leurs conseils sur la façon d'améliorer l'expérience d'un ou une député.e, pour la personne qui porte le titre, mais aussi pour nous, le public qu'ils servent.

L'épisode d'aujourd'hui présente Monsieur Rémi Massé, qui a représenté la circonscription québécoise d’Avignon—La Mitis—Matane—Matapédia à la Chambre des communes pour le Parti Libéral du Canada entre 2015 et 2019.

Rémi a acquis 16 ans d'expérience dans la fonction publique fédérale avant de siéger en tant que membre du Parlement. Dans cet épisode, Rémi explique comment l'humour l’a aidé à établir des liens, il souligne la nature exigeante du travail d’un parlementaire, et la valeur de savoir défendre ses convictions.

Voici notre discussion!

Chloë Hill: Avez-vous grandi dans un foyer ou une communauté politique?

Rémi Massé: Non, non. Je n'ai jamais pensé faire de la politique. Ça n'a jamais fait partie de mes objectifs, de mes ambitions. La politique est arrivée par hasard en 2015. En fait, pour faire une histoire courte. J'étais directeur général d'un cégep, d'un collège au Québec. Donc il y avait eu des compressions importantes au niveau de l'éducation au niveau provincial. Et c'est à la suite de mes positions que j'avais prises pour défendre évidemment les, les budgets en éducation pour favoriser le développement régional, qu'on m'a approché pour me présenter en politique. C’est ça en 2015. Finalement, longue histoire, j'ai accepté de me présenter et c'est de cette façon là que j'ai été élu député au fédéral pour ma circonscription.

Chloë Hill: Est-ce qu'il y a une personnalité politique que vous admirez?

Rémi Massé: Non, pas vraiment. Ce qui m'intéresse dans une personne politique, c'est la franchise, l'honnêteté, des gens qui défendent l'intérêt des citoyens, d'abord. Comme je le dis, je n'avais pas de modèle parce que je ne m'étais jamais arrêté là à faire de la politique. Cependant, comme bien des gens, j'ai toujours suivi la politique. Fait que c’est ça, il y a toujours des éléments qui ressortent de politiciens, mais je n'avais pas de politicien en tête spécifique comme, comme modèle.

Chloë Hill: Et Monsieur Massé, comment vos proches ont-ils réagi à votre désir de vouloir entreprendre une carrière politique?

Rémi Massé: Aussi surpris que moi, lorsque j'ai été approché. Lorsque j'ai discuté avec ma conjointe, je m'attendais qu'elle me dise, « es-tu fou? » Mais finalement non, la réaction a été très bonne, puis elle s'est dit écoute, c'est intéressant compte tenu, compte tenu des positions que j'avais prises alors que j'étais au cégep. Donc, c'était une suite naturelle, parce que j'avais réalisé très vite que sans appui, sans appui politique, c'est difficile de faire avancer des dossiers dans une région comme la nôtre, qui était dans l'opposition depuis 25 ans au niveau fédéral.

Chloë Hill: Pouvez-vous me parler un peu de votre processus de nomination?

Rémi Massé: Ouais, bin j'ai appris parce que je ne connaissais pas du tout le processus de nomination politiques et le Parti libéral, évidemment, s'était engagé à faire des investitures ouvertes à partir de ce moment-là. Donc, rapidement, j'ai constitué une équipe. J'ai rencontré le président de l'association libérale de la circonscription pour comprendre un peu mieux la mécanique. Donc, évidemment, je savais qu'il fallait vendre des cartes de membre. Donc pour nous c'était important, de s'assurer qu'on puisse procéder avec, quand je dit vendre, c’est de s'assurer qu'on ait un membership pour qu'ils puissent venir voter évidemment lors de l'assemblée d'investiture. fait que, j'ai pris contact aussi avec le parti de façon officielle pour manifester mon intérêt. Donc, il y avait toute une procédure à suivre. Évidemment, fallait remplir des formulaires, fallait que je passe à travers un processus de validation et de vérification des antécédents et tout et tout. Fait que, j’ai passé à travers ce processus là. Et finalement, j'ai été nommé par acclamation. 

Chloë Hill: Et pouvez-vous me raconter un peu le moment où vous avez gagné votre siège?

Rémi Massé: Bin un, ça l’a été une campagne en 2015, très, très longue de 77 jours. Ça a été une campagne super intéressante dans la mesure où, comme je dis, moi dans la circonscription, c'était une circonscription bloquiste depuis 25 ans. Donc les chances pour le Parti libéral de remporter un siège en Gaspésie étaient très minces. On était troisième au début de la campagne, et une bonne partie de la campagne. À un moment donné, le vent s’est mis à souffler. Le premier ministre Trudeau avait l'avantage de la jeunesse, du charisme et tout et tout. À un moment donné, les sondages se sont mis à rouler positivement. Pour nous, ça a été une campagne super intéressante. Parce que, comme je le dis, j'avais mis en place une super bonne équipe. On était très, très, très présents sur le terrain. On faisait beaucoup de porte à porte. Fait que, et c’est une très, très grande circonscription. Donc, on avait une cinquantaine de villes et villages, autant de maires, autant de conseils municipaux. Donc pour faire le tour, partir d'un bout de la circonscription à l'échelle au bout, c'était trois heures et demie de route. C'est très grand. ça fait qu’on a parcouru l'ensemble de la circonscription. Puis écoute, ultimement on a gagné notre pari, puis on est devenu député en 2015.

Chloë Hill: Et dans notre sondage, vous avez mentionné que, pour vous, vos objectifs au début étaient vraiment de soutenir activement le développement économique de votre région. Et, je me demande, Pouvez-vous élaborer sur pourquoi c'était un de vos objectifs?

Rémi Massé: Oui, parce que, comme je le disais, je n'ai jamais eu d’intentions pour faire de la politique. Ça fait que, donc suite à mes interventions quand j'étais DG du cégep pour justement faire renverser des coupures budgétaires au niveau provincial. Je te disais que, c'est ça, je m'étais rendu compte que, malgré les promesses qui avaient été faites, c'était bien difficile de faire avancer des dossiers lorsque tu n'as pas d'appui politique qui est assis à la table des décisions pour tenter d'influencer les programmes et les politiques d'un gouvernement. Donc, c'est dans ce contexte là que je me suis présenté. J'avais l'avantage d'avoir été dans la fonction publique fédérale pendant 16 ans. Fait que, je connaissais la machine, je savais comment ça marchait. Donc, tout ça pour te dire que, ça s'est bien passé, cette procédure d'intégration là.

Chloë Hill: Et sur ce, pouvez-vous un peu élaborer sur des processus d'intégration aussi, orientation? Est-ce que c'était logique ou familier?

Rémi Massé: Oui, oui. En tout cas, pour moi, ça s'est bien passé. Parce qu'on est pris en charge rapidement par les agents de la Chambre des communes. On avait une espèce d'agent qui nous est assigné pour tout là. Pour nous expliquer les budgets, l'embauche de ressources, nos bureaux, etc. Et je me répète mais bon, comme je connaissais Ottawa, moi j'arrivais là où je débarquais, puis je savais où était ça semble un peu curieux, mais je savais où était la Chambre des communes, je savais quels étaient les bureaux, je pouvais m'orienter à Ottawa alors que j'avais bien des collègues qui, c'était la première fois qu’ils débarquaient à Ottawa là. Pour moi, c'était assez simple. Et les rouages du gouvernement fédéral, je les connaissais bien aussi. Donc, appuyés par les agents de la Chambre des communes, on était opérationnel rapidement. Donc, là moi j’ai pu tout de suite, comment dire, ouvrir un bureau de comté, embaucher mes ressources et mettre en place les services de mon bureau de député, autant à Matane, parce que j’avais 3 bureaux de comté, donc j’ai pu mettre un bureau de comté rapidement à Matane et un autre à Carleton-sur-Mer. Donc je me répète, mais ce processus là, pour moi, a été efficace et rapide.

Chloë Hill: Et à ce stade précoce ici, est-ce-que vous vous êtes senti bien soutenu de façon formelle, informelle aussi?

Rémi Massé: Oui, oui, tout à fait tout à fait. Excellent, excellent service, bien accompagné. Et comme je le disais, bien dès la première journée, j'ai pu trouver un appartement parce que je connaissais le coin. avec des orientations qu'on m'avait donné, donc c'était facile pour moi de signer mon premier bail. Évidemment parce que j'étais loin en région, donc c'était important d'avoir un endroit pour pouvoir être hébergé. À Ottawa, j'étais à Gatineau. Donc tout ça facilite l'intégration.

Chloë Hill: Et encore à ce stade précoce, quelle était la relation avec votre chef de parti? 

Rémi Massé: Bonne. 

Chloë Hill: Beaucoup d'entregent?

Rémi Massé: Non, parce qu'on n'avait pas vraiment de, de discussions. je veux dire, et c'est compréhensible dans la mesure, où lui aussi c'était une surprise de former un gouvernement majoritaire, donc il y en avait plein les bottines. Fait que, non, il n'y a pas eu, pas eu vraiment de contacts ou de discussions là, à part des rencontres de caucus qu'on avait. Puis, je veux dire qu'on était 184, il y avait pas mal de monde à la messe, comme on dit. 

Chloë Hill: Est-ce que cette relation a changé au fil du temps aussi?

Rémi Massé: Oui, elle a évolué parce que j'ai été rapidement nommé président du caucus des députés québécois. Évidemment, à ce titre, je le rencontrais plus souvent que mes collègues qui n'étaient pas ministres, les autres collègues députés. Donc, évidemment il y a eu une relation qui s'est développée à ce niveau là. Mais c’est une relation professionnelle qui s'est développée en cours de route. Puis après, j'ai été nommé secrétaire parlementaire. Fait que cette relation là s'est maintenue tout au long de mon mandat. Mais ce n'est pas une relation de proximité.

Chloë Hill: Pour améliorer le processus d'intégration, vous aviez mentionné qu'une formation, un cours sur les rouages du gouvernement serait bien. À quoi cela ressemble-t-il?

Rémi Massé: Je parle pour les autres, parce que comme je te dis, moi, j'ai eu la chance d'évoluer dans la fonction publique pendant 16 ans. Fait que, c'était facile pour moi de comprendre comment fonctionne l'élaboration des lois, les processus réglementaires, les deux chambres. Tu sais, le rôle d'un député, le rôle de la fonction publique, les agences centrales. C'est quoi des agences centrales? Comment ça marche? Encore une fois, toute la mécanique qui font en sorte que, avant de déposer un projet de loi qui a des mémos au cabinet, il y a tout un processus qui existe et quelles sont les responsabilités et les rôles de ces différentes agences là. Donc, j'ai des collègues qui arrivaient, qui n'avaient très peu de connaissance de la mécanique gouvernementale. Donc, je pense que, c'est ça, un cours aurait été bénéfique pour bien des collègues. Quand je dit un cours, une formation, évidemment.

Chloë Hill: Et quelle a été la courbe d'apprentissage importante pour vous pendant votre séjour au Parlement?

Rémi Massé: Quelles sont les procédures spécifiques? Comment se démêler à travers de tout cela? J'ai posé beaucoup de questions pendant quatre ans. Il n'y a pas de cours comment être un bon député, hein. Tu l’apprends sur le tas et tout le monde est en apprentissage. Je te donne une anecdote, après une des premières journées qu’on est arrivé à Ottawa, une fois qu'on a eu notre premier caucus, je demande une rencontre avec Marc Garneau parce qu'on avait des dossiers en matière de transport, d'infrastructures et tout, et tout. J'avais trois dossiers à présenter à Marc. Comme je dit, j'étais bien organisé, j'étais bien préparé. Mais ça a été comme un choc pour moi de réaliser qu'effectivement, je n'étais pas tout seul. Fait qu'il y avait 184 autres députés à notre gouvernement qui avaient aussi un seul ministre des Transports et que pour eux, l'ensemble de leur dossier étaient prioritaires. Ça m’a comme fait réfléchir à partir de ce moment-là, dire « whoa, il faut que j’ajuste ma stratégie pour être certain que mes dossiers figurent dans la liste des dossiers prioritaires des ministres ».

Chloë Hill: Comment avez-vous adapté un peu la stratégie pour vraiment mettre l'emphase sur ces priorités-là?

Rémi Massé: Bon point. Quand je te dis que ça m'a pris deux ans, c’est que j'avais de bonnes relations. J’avais, je pense une des forces là, j'ai développé de bonnes relations avec l'ensemble des collègues. On m'a nommé président du caucus. Fait que, et j'ai réalisé pendant cette période-là que, si on voulait faire avancer les dossiers non seulement pour la circonscription, mais pour le Québec, il fallait aussi aller chercher l'appui des autres caucus. Donc, c'est quand j'ai compris ça. Ça a l'air bébête, mais d'aller sécuriser l'appui de, d’autres caucus, autant que l'Atlantique, que l'Ontario par exemple, ou l'Ouest. C'est c’est tout un défi parce qu'eux autres aussi leurs priorités, eux autres aussi leurs intérêts priment. Donc comment arrimer les intérêts du Québec, de l'Atlantique et de l'Ontario, c'était toute une stratégie. Et donc, ça m'a pris, ça m'a pris du temps. Même chose au niveau, ça vient plus loin dans ton document, mais comment utiliser les médias, comment travailler avec les médias, justement pour pouvoir, comment dire, mousser davantage le rôle du député, le rôle du président du caucus, puis jouer la game médiatique aussi. Ça m'a pris du temps. Et puis même encore à la fin, je ne le maîtrisais pas. On aurait pu l’utiliser davantage pour faire avancer les dossiers. Puis ça demeurait un défi. 

Chloë Hill: Est-ce que vous avez un exemple spécifique, d’un défi avec les médias ou l'importance de leur rôle qu’ils jouent?

Rémi Massé: Oui, et je te dirai que, par exemple, autant du côté du NPD que du côté des conservateurs, ils avaient un porte-parole québécois pour justement parler des dossiers du Québec et, et ça fonctionnait bien. Donc, j'attendais comme président du caucus, j'attendais plus l'aval du parti ou de notre gouvernement pour aller sur le plancher médiatique. Alors que j'ai compris trop tard que - je me répète quand je dis qu'il n'y a pas de cours comment être un bon député. T’es laissé un peu à toi-même pour figurer comment ça marche. Parce que tout le monde travaille le pied au plancher. Mais ça, c'est un exemple. Donc tu veux tirer ton épingle du jeu, comme comme député, comme président de caucus, faut que tu prennes le leadership. Par exemple, il aurait fallu dès le départ que je l'organise moi-même, ces points de presse là, à toutes les deux semaines, à la sortie du caucus, faire un scrum. Mais dans ma tête, je m'attendais à ce que ce soit mon gouvernement, le parti qui me demande, « ok Rémi, vas-y ». Il aurait fallu que je prenne ce leadership là que j'ai pas pris et je te dirai ça nous a nui au niveau de notre caucus pendant une coupe d'années facilement. Parce qu'on prenait pas, il y avait un espace vide et c'était occupé par le NPD, les conservateurs, puis le Bloc. Alors que nous, les libéraux, on était au gouvernement et je me disais on est au gouvernement, nos ministres sont là évidemment pour prendre le plancher. Sauf que les ministres étaient souvent alignés sur la plateforme du parti, alors que nous, au caucus, on aurait pu prendre justement une tangente différente, complémentaire.

Chloë Hill: Si on peut parler un peu plus au sujet de l'autonomie des députés, pensez-vous qu’il y en a assez, pas assez?

Rémi Massé: Je pense qu'il y en a assez. Il faut pouvoir le prendre, ce rôle-là, et il faut savoir défendre ses convictions. C'est-à-dire que c'est facile, de critiquer qu’un député n'a pas suffisamment d'autonomie. Mais, il ne faut pas avoir peur non plus d'aller au batte, puis de pouvoir justifier, de pouvoir argumenter, puis de pouvoir défendre notre point de vue. Moi, je te dis qu’il y a bien des dossiers que j'ai pu faire avancer parce que j'ai défendu mes dossiers, j'ai argumenté, justifié. J'ai utilisé des méthodes, les stratégies pour m'assurer que ça fonctionne. Je n'étais pas juste dans la critique. À un moment donné, il faut être constructif. Il faut aller chercher des appuis. Puis bon, est-ce que j'ai toujours réussi? Non, mais bien souvent, j'arrivais, j'arrivais à mes fins. J'aurais aimé entrer en politique avec ce que je sais maintenant, j'aurais été drôlement plus efficace.

Chloë Hill: Et c’est quelles connaissances qui vous viennent à l'esprit qui auraient pu aider? 

Rémi Massé: Comme je te le dis, tu sais, utiliser davantage les médias, connaître un peu mieux le rôle qu'on peut jouer, l'autonomie qu'on a, mais que je ne savais pas qu'on avait, puis comprendre un peu la dynamique du parti et la dynamique de notre gouvernement. Et encore une fois, c'est de ma faute. Parce que, oui je m'intéressais à la politique, mais je n'avais jamais été impliqué à l'intérieur de la machine. Donc, il a fallu que je découvre en testant. Puis, donc, bref. Ça c’est, j’aurais été un député encore plus efficace avec quatre ans d'expérience.

Chloë Hill: Le parti s'attendait-il à ce que ses priorités passent avant les demandes de votre circonscription?

Rémi Massé: Oui, parce qu'à partir du moment où tu t'engages à être candidat d'un parti politique, évidemment, tu adhères au programme. Et puis j'ai été chanceux parce que je me retrouvais à l'intérieur du programme du parti politique. Donc, dans les investissements, au niveau des infrastructures, dans certaines réformes, mon niveau de programmes sociaux. Donc, quand j'ai développé ma plateforme régionale, tout ça était aligné évidemment sur le programme du parti. Puis, je me souviens que j'avais partagé ça et je me souviens aussi que ça avait fait réagir au niveau du parti. Ils trouvaient, dans certains cas que j'étais, j'étais allé loin, comme la création d'emplois en région. Fait que, ils voulaient me faire changer là, par exemple, certains, certains passages de ma plateforme. J’ai dit, « pourquoi? Pourquoi je ferais ça? » Je dis « non, je me présente en politique pour pouvoir réaliser ça. Est-ce que je réaliserai l'ensemble de ces dix objectifs là? Ou de ces dix promesses-là? Je ne le sais pas, mais je vais travailler pour y arriver ». Donc, de part et d'autre, on avait fait des compromis pour s'assurer que l'on ajuste un peu la terminologie. Mais les objectifs étaient toujours là. Donc donc, la réponse à ta question, c'est que je pense que les deux, on s'est adapté, mais il était tout à fait normal que le programme du parti prime, mais je m'y retrouve à l'intérieur de ça là. Je n'étais pas complètement déconnecté de ce que le programme mettait en place, ou souhaitait mettre en place.

Chloë Hill: Et pouvez-vous décrire la culture du travail au Parlement?

Rémi Massé: La culture du travail au Parlement, bonne question. D'abord, c'est un travail pour ceux qui le veulent. C'est un travail qui est hyper exigeant parce que c'est de nombreuses heures de travail. Moi, je disais souvent que le rôle du député, je vais revenir à Ottawa, mais le rôle du député, et c'est le cas, c’est sept jours sur sept, 18 heures par jour, surtout lorsque tu es en région. Quand tu pars d'Ottawa, on s'attend à ce que je participe à toutes sortes d'activités. On t'invite, il faut que tu sois visible partout. C’est pas comme un député à Montréal, qui sa circonscription fait trois coins de rue. Nous, c'est 50 villes et villages. C'est 50 maires, 50 conseils de ville et tout et tout. Quatre immersés, bref. Donc, lorsqu'on arrive à Ottawa, évidemment aussi, on est convoqué. Le rôle que j'avais en plus d'un député, d'être président du caucus, puis après secrétaire parlementaire. Donc, on nous demande plusieurs rencontres à Ottawa. On siège sur des comités. Ensuite de ça, on a évidemment des rencontres de caucus, les rencontres pour faire avancer nos dossiers, les rencontres avec les cabinets des ministres. Et souvent, on a eu les votes qui arrivent souvent en soirée. On a eu des votes qui ont duré pendant pratiquement 36 heures à quelques reprises. C'était une job de fou. Mais, mais moi, j'ai adoré ça. Donc, c'est très exigeant. J'avais la chance. J'ai la chance d'avoir une conjointe extraordinaire, ça fait que... Et je ne me sentais pas coupable, lorsque j'étais à Ottawa de rentrer à 11 heures le soir, et de recommencer le lendemain matin de bonne heure. Donc, si ma conjointe avait été, et mes enfants avaient été Ottawa, ça l’aurait été plus difficile. Mais, ça me donnait une certaine flexibilité d'être installé aussi à Ottawa pendant qu'on siégeait.

Chloë Hill: Alors est-ce que cela vous a affecté pendant votre séjour à la Chambre, lorsque vous avez été député?

Rémi Massé: Non, pas vraiment. Ça fait partie de la réalité. C'est facile de se laisser aller dans, dans les échanges en Chambre. C'est comme ça, je pense que le président, le président de l'époque aurait pu faire, à mon point de vue, aurait pu faire une meilleure job. Lui aussi, je pense qu'il apprenait son rôle. Mais je pense que j'ai toujours fait preuve de diplomatie. Malgré ce qui se passait, malgré des fois de la tension qui pourrait y avoir entre les deux côtés de la Chambre, moi j'avais d'excellents collègues qui étaient autant conservateurs, autant du NPD. Peut-être un petit peu moins du Bloc là, mais je pense que le président a un rôle à jouer aussi, pour calmer le jeu, puis ramener des députés à l'ordre aussi, lorsqu'ils s'égarent.

Chloë Hill: Et au même sujet. Pour ce qui est de la toxicité en ligne, avez-vous fait face à ça durant votre rôle?

Rémi Massé: Oui, je pense que c'est pire maintenant. Bon, j'avais un certain âge, j'avais vu neiger un peu bon. Ça fait que bon, je ne m'en faisais pas trop avec ça parce que je regardais pas non plus les commentaires. Moi je publiais ce que j'avais à publier. Je savais que mes supporteurs appréciaient et évidemment, on savait qu'on avait des détracteurs. Il y avait quelques fois où je les lisais, ou des fois, que ça m'atteigne un petit peu, mais je me mettais, je remettais ma carapace, puis bon. Écoute, c'est la vie, ça fait partie de la réalité. 

Chloë Hill: Est-ce que vous vous êtes senti respecté ou valorisé en tant que Québécois, homme, votre identité en général?

Rémi Massé: Oui, évidemment. Mais on est arrivé dans un nouveau contexte. On est arrivé dans un parti, dans un gouvernement, évidemment, qui prônait des valeurs d'ouverture. Et puis, la première démarche que le premier ministre avait faite, c'est de mettre en place un gouvernement paritaire. Donc ça a envoyé un signal très, très clair. Fait que pour certains, ça a pu créer une certaine grogne. C'est ça, parce que des fois, il y a des éléments d'identité qui, qui, qui, qui étaient mis, dans l'avant-plan. Ça fait que, une fois que tu fais ton travail, puis une fois que tu travailles fort, puis, une fois que tu comprends, la mécanique, tu t’adaptes. Comme je te le disais, mes dossiers continuaient d'avancer pareil là.

Chloë Hill: Et pour ce qui est des questions relatives à la langue, avez vous trouvé qu'elles ont été priorisées ou respectées, perçues comme étant une réelle priorité?

Rémi Massé: Je ne peux pas dire que c'est une priorité, mais je peux pas dire que c'était négligé non plus parce que, autant mes collègues anglophones s'efforçaient de, de pouvoir échanger en français avec moi, autant on avait l'ensemble des services requis. Quand en étant en caucus, les interprètes étaient là. Pour moi, c'était important en tant que président de caucus de toujours m'exprimer en français, puis que mes collègues comprennent qu’on s'exprimait en français. Moi je n'ai rien senti de problématique à ce niveau là. Au contraire, j'étais agréablement surpris par le niveau d'attention qu'on y donnait. Évidemment, certains vont vouloir faire de la politique, certains vont utiliser la langue comme un élément pour souligner autre chose. Mais en ayant été dans la machine, je trouvais qu'on était très bien servis. Des fois, je ramenait des collègues à l'ordre pour leur dire justement, écoute, regarde, « t’es francophone, on a l'ensemble des services, donc exprime-toi en français. C'est important pour nous, nos électeurs, pour la communauté ». Parce qu'il avait des collègues qui s'exprimaient très bien en anglais. 

Chloë Hill: Pouvez-vous, monsieur Massé, élaborer sur des points forts de votre mandat?

Rémi Massé: Tout a été des points forts. Les quatre ans que j'ai siégé, du début à la fin. Donc tous les dossiers que j'ai pu faire avancer des dossiers, les dossiers pour les investissements au niveau des ports, les études qui ont été réalisées et les avancées qui ont été faites au niveau de l'assurance emploi, des investissements dans les communautés des Premières Nations, soit en éducation pour la construction d'écoles. Écoute, l'embauche d'une centaine de personnes dans ma circonscription. Donc, pour moi, tout ça c'est des points forts. Quand j'ai été nommé par mes collègues président du caucus, aussi ça a été un, le premier point fort parce qu’on m’avait accordé une confiance. Puis, j'ai été président du caucus pendant trois ans. Normalement, un président de caucus, une présidente dans le caucus fait une année. Après ça, on élit quelqu'un d'autre. Et ils ont décidé que j'étais leur président de caucus pendant trois ans, jusqu'à tant que le premier ministre me nomme secrétaire parlementaire. Fait que, pour moi, c'était des belles preuves de confiance. J'ai adoré les quatre années que j'ai passé là, donc. Pour moi, tout, tout était des points forts. Oui, évidemment, il y a eu quelques défis en cours de route là, mais pour moi, ça a été une expérience extraordinaire.

Chloë Hill: Vous avez fait référence à la concentration du pouvoir dans notre sondage qui était une des grandes déceptions. Et je me demande, pouvez-vous élaborer un peu plus sur ça?

Rémi Massé: Oui, c'est une réalité, la concentration du pouvoir à Ottawa. Pour pouvoir percer cette concentration là, bien évidemment, il faut avoir des bons contacts avec les personnes qui entourent, par exemple le premier ministre, pour être capable d'influencer. Donc, c'est sûr que c'est, un défi. Mais comme je te disais, les stratégies que j'ai développées, qui m'ont pris deux ans à comprendre, ont été justement pour être capable de contrer un peu cette centralisation du pouvoir. Donc, comme je te dis, lorsque je voulais faire avancer un dossier et que j'étais en mesure d'aller chercher l'appui du caucus de l'Atlantique, du caucus de l'Ontario, comment dire, de notre voix portait. 

Chloë Hill: Vous avez aussi fait référence dans un sondage aux égos. Pouvez-vous m’en dire plus à ce sujet?

Rémi Massé: Oui bin, écoute. C'est sûr qu'il y a des gens qui, qui rêvaient d'être député, qu'il y a des gens qui avaient l'ambition de devenir député et donc il y a différents types députés. Il y en a, qui pour eux, il y a un prestige, il y a une notoriété et il y a des gens que ça leur montait… Là, je généralise pas, c'est ça. Il y a des gens qui avaient des gros, qui avaient des gros égos pour pour différentes raisons. Donc, mais c'était quelques rares exceptions et je me souviens très bien que ça a été une belle leçon rapidement. J'avais la chance d'avoir des gens qui avaient gravité dans la politique et que j'avais appelé quand je m'étais présenté. Notamment, un ancien chef de cabinet, à l'ère de monsieur Chrétien et de monsieur Bourassa, parce qu'il avait fait les deux, au temps du provincial et du fédéral, qui m'avait dit: « tu vas voir, comme député, tu vas devenir évidemment une personne d'intérêt. Tout le monde va te reconnaître, tout le monde va vouloir te parler, tout le monde, j'exagère, mais tout le monde va t’aimer. Mais la journée où tu perds tes élections - j'exagère à peine - mais tu deviens un ‘nobody’ ». Tu n'es plus la première personne qu'on appelle, tu fais plus partie de la carte de visite des différentes personnes. Fait que ça ça m'avait marqué beaucoup, dès le début, j'avais compris ça, que tu es député, tu joues un rôle, mais ce n'est pas l'individu, c’est pas Rémi Massé qui est intéressant, c'est le député Rémi Massé qui est intéressant. Mais il y a des gens qui n'ont pas été en mesure de pouvoir faire la distinction entre le rôle du député puis l'individu. Donc, longue histoire pour dire que certaines personnes, encore aujourd'hui, certaines personnes qui sont pas encore députés aujourd'hui et on conservé évidemment le même, le même ego. Donc, bref.

Chloë Hill: La vie politique est décrite comme étant très sérieuse et, comme vous l'avez dit, exigeante. Aviez-vous des moments amusants que vous avez vécus à la Chambre des communes?

Rémi Massé: Oui, j'ai des moments. Écoute, pour moi, ça a été amusant tout le temps.  D'abord et avant tout, en campagne électorale. C'est drôle parce que j'avais j’avais une équipe fantastique et, je fais une parenthèse. Mais je faisais du camping parce que j'ai quatre enfants. J'avais un motorisé, donc un RV, et j'ai fait ma campagne dans un motorisé avec mon équipe. Donc on pouvait parcourir la circonscription au complet, mais on était autonomes. On avait nos lits, on avait notre bouffe, on avait tout ce qu'il fallait, donc c'était extraordinaire. Donc, tout ça a été des moments fantastiques. En Chambre, en Chambre il est arrivé différents moments cocasses. Je te parlais des 36 heures, à un moment donné, qu’on a siégé avec toutes les votes de fous qu'on a eu. Fait que, j'aimais bien taquiner mes collègues, je pense que c'était important de s'amuser. Puis, dans ce contexte-là, à moment donné, je me souviens, je pense qu’il était deux heures du matin. Je m'étais mis à chanter une chanson et ça l’avait fait les médias, c'était des moments cocasses comme ça parce que comme je te disais, j'aimais bien taquiner les gens, puis j'aimais bien mettre un peu de plaisir dans ce job un peu de fou. 

Chloë Hill: C'était quelle chanson? 

Rémi Massé: C'était « all night long » de Lionel Richie. Tout à fait approprié.

Chloë Hill: Et avez-vous des recommandations pour améliorer l'expérience des député.e.s?

Rémi Massé: Et je me répète ce que je disais tout à l'heure, je pense, ce serait important quand on arrive d'avoir une bonne séance de formation sur les rouages du gouvernement fédéral. Donc, ça pour moi, ça l’a manqué. Quand il y a des gros changements gouvernementaux, lorsqu'un paquet de nouveaux arrivent, mais je pense que c'est toujours utile. A chacune des élections, il y a toujours des gens nouveaux qui bénéficieraient d'avoir une familiarisation avec la mécanique du gouvernement fédéral.

Chloë Hill: Suite à votre défaite, vous avez mentionné que c'était un processus assez intense. Pouvez-vous m'en dire plus à ce sujet?

Rémi Massé: J'avais eu la chance d'avoir quelqu'un qui m'avait bien prévenu au départ. T’es élu, mais un jour, tu vas perdre tes élections, pour différentes raisons. Et quand ça arrive, c'est automatique. Ce n'est pas toi qui décide. C'est le processus qui décide. C'est très rare qu'un député décide de partir de lui-même. Donc, malgré le fait qu'on soit quand même bien appuyé, c'est quand même un processus qui est ingrat. Parce que on te fait comprendre rapidement que, bin écoute, t’as deux semaines grosso modo pour tout fermer. Fermer tes bureaux de comté, retourner l'ensemble de tes outils de travail, le téléphone, l'ordinateur, fermer tes bureaux, transférer des dossiers, régler tout là. Et je te jure que ça, ça frappe fort. Oui, on est appuyé. Oui, une chance, il y a des mécanismes de transition. Tu peux être accompagné justement pour pouvoir réorienter ta carrière, je m'en suis servi. Mais, c'est difficile. C'est pas facile, et il y a des gens qui tombent de haut là. Je suis chanceux parce que j'avais un certain âge et que j’ai encore un certain âge, puis j'ai vécu, avant de faire de la politique, ce qui fait que j'avais une bonne carapace. Mais c'est rock and roll un petit peu, parce que du jour au lendemain, t'es plus député, donc t’as perdu. Donc, tu es associé évidemment à une défaite, fait que c'est pas facile. Je suis parti en vacances pendant une bonne semaine tout seul pour pouvoir décrocher, puis décanter. Puis, ça a été une période assez, assez, assez particulière. Donc, lorsque la vague bloquiste est arrivée, bin paff. Malgré le fait que, quand même, j'avais tout fait pour être capable de sécuriser le maximum de mon rôle, de mon nom, puis bon etc, etc. Mais je n'ai pas été capable d'aller chercher plus que ça. Donc, tout ça pour te dire que c'est pas évident parce que malgré les investissements, malgré ma présence, comme je te dis, on est encore plus actifs parce qu'on savait que c'étaient des élections qui étaient difficiles en 2019, qu'on avait le vent en face. Mais malgré tout, je croyais sincèrement que ça allait fonctionner. Et malheureusement, la vague est rentrée puis on s'est fait ramasser. Mais on se questionne beaucoup, on se culpabilise beaucoup, mais avec du recul, on réalise qu’on a une part de responsabilité. Puis, des fois, je te dirais que, je te dis ça puis même si je suis enregistré je vais le dire ouvertement, la machine ou le parti te fait peu à part te reprocher, de ne pas en avoir fait assez. Alors qu'on se dit « Christie, qu'est ce qu'on aurait pu faire dans mon cas ». Puis je vous dis sans prétention, mais qu'est ce qu'on aurait pu faire de plus? Je regardais les chiffres que j'avais fait, que le parti avait fait en 2019 versus 2021. Finalement, je pense que j'ai eu un impact. Malheureusement, ce n'était pas suffisant pour pouvoir passer, mais écoute c'est ça, bref. Écoute, un: quatre ans en politique, te permet de voir de l'intérieur comment marche la machine politique, le gouvernement dans ses moindres détails. Je fais une parenthèse, je me répète, mais j'étais 16 ans dans la fonction publique fédérale et comme cadre de la fonction publique, j’ai pas briefé beaucoup de ministres dans ma carrière. Et je ne me souviens, pas trois-quatre semaines après que j'avais été élu et que j'étais à Ottawa en Chambre, c'est la ministre des Affaires autochtones, Carolyn Bennett, qui m'appelle pour me faire venir dans son bureau pour traiter d'un dossier. Et la sous-ministre, sa sous-ministre a elle était là, dans son bureau à elle. Et là,  je me disais, « y-as-tu pensé? Je suis dans le bureau de la ministre avec la sous-ministre pour discuter d'un dossier spécifique ». Et, j'étais vraiment impressionné que je me retrouvais là, pas comme fonctionnaire, mais comme, comme politicien. Et que je pouvais poser des questions, que je pouvais influencer, que je pouvais… C'était bref, c'est l'anecdote. Donc je me répète, mais d'avoir pu participer, comment dire, aux réalisations d'un gouvernement de l'intérieur, pour moi, ça reste, c’est un élément qui est marquant. Puis encore aujourd'hui, les relations d'amitié qui se sont développées existent toujours. Encore aujourd'hui, je parle avec Mélanie, c'est Mélanie Joly, c'est la ministre des Affaires internationales. Je parle encore avec Marc Miller. Je parle encore avec un paquet de collègues encore aujourd'hui, René Arseneault, qui est un député au Nouveau-Brunswick, on s'écrivait, on s'écrivait des textos parce qu'un de nos collègues, Paul Lefebvre, qui était de l'Ontario, a été élu maire hier. Bref, longue histoire pour te dire ceci c'est toujours marquant.

Chloë Hill: Et quelle est la nature avec votre circonscription aujourd'hui?

Rémi Massé: Mais j'ai quitté la circonscription il y a peut-être un an, donc je suis déménagé. Écoute, c'est sûr qu'on garde toujours un petit peu d'amertume parce qu'ultimement, je veux dire la circonscription, les électeurs ont choisi une autre option de retourner avec le Bloc, tu sais, pour pas le nommer. Donc, je me disais, bien écoute, j'ai tout fait moi pendant quatre ans pour pouvoir faire avancer des dossiers socio-économiques, donc ils ont choisi une autre option. Donc, regarde, moi j'ai assez donné, je vais aller voir ailleurs où on a besoin de moi, là. Il y avait cet élément là donc dans dans le déménagement aussi. J’ai gardé une certaine amertume, je te dirais. Mais c'est ça, pour moi c'était difficile de travailler au développement de la région. J'avais l'impression que je faisais ça pour rien. J'ai préféré changer de région, changer de circonscription.

Chloë Hill: Avez-vous des recommandations pour attirer et retenir les meilleur.e.s et les plus intelligent.e.s en tant que député.e?

Rémi Massé: Ouf! Ouf! C'est très difficile. Tu sais, moi je l'ai fait, puis j'avais l'impression de l'avoir fait un peu naïvement. Et en même temps, si j'avais su ce que je sais maintenant, je sais pas si je me serais présenté! Fait que, mais en même temps, je suis content de l'avoir fait parce que c'est une opportunité et c’est une job extraordinaire la job de député. Maintenant, aujourd'hui avec les médias sociaux, avec tout ce qui entoure un politicien est jamais.. Et même le terme « politicien », moi j'ai toujours dit que je n'étais pas un politicien. Moi, j'étais un député qui utilisait le levier de la politique pour pouvoir faire avancer mes dossiers régionaux. Je ne me suis jamais considéré comme un politicien parce que pour moi, un politicien, il y a une connotation négative par rapport à ça. Donc  il faut vraiment être motivé, il faut vraiment être, je ne sais pas c'est quoi le terme, je cherche un terme en français pour exprimer. C'est presque une vocation, devenir député. C'est difficile aujourd'hui avec tout ce qui entoure la politique, avec les médias, je me répète, avec les médias sociaux, tu es toujours critiqué, tu ne fais jamais la bonne affaire. En plus, la mécanique des réseaux sociaux fait en sorte qu'on va justement mettre en place des bots, des comptes fakes, justement. Aussitôt que quelqu'un prend trop de place, bon on va vouloir justement leur rabaisser, identifier toutes sortes de patentes, justement, pour qu'il soit moins efficace, c'est pas évident la politique aujourd'hui. Encore moins aujourd'hui que ça l'était il y a à peine 17 ans quand j'ai commencé. Mais pourtant, c'est tellement extraordinaire comme travail, les possibilités quand tu utilises bien la fonction et bien le levier politique. Je fais une parenthèse, j'ai vécu à l'intérieur du gouvernement, donc peut-être que si j'avais été dans l'opposition, j'aurais peut-être, j'aurais sans doute trouvé mon rôle moins intéressant parce que je me serais senti comme un peu à la limite inutile. Fait que, au moins au gouvernement, je pouvais influencer les programmes, les politiques, les dossiers, puis bon, bref. Fait que, je ne sais pas comment répondre à ta question…je vais encourager n'importe qui qui souhaite se présenter. Je vais les accompagner, je vais, je vais les aider. Mais si mon fils m'annonçait qu'il voudrait se présenter en politique, j'accepterais évidemment. Mais au moins, je serai là pour pouvoir l'épauler, puis le prévenir et tout et tout. 

Chloë Hill: Quels conseils est-ce que vous lui donneriez?

Rémi Massé: Ouais, je savais que j'allais me poser ça! Mais de pas, je te dirais d'y aller avec ses valeurs, avec ses convictions. Puis justement, ne pas se laisser influencer par tout le bruit qu’il y a autour. Le bruit qui est organisé, le bruit qui est programmé, je te dirais. Qui ne lui est pas destiné. Et qu’il soit vraiment connecté sur les besoins de sa communauté, parce que tu sais, les personnes sur le terrain qui sont en mesure de bien l'aiguiller, parce que je ne sais pas combien de fois.. Et je me souviens très bien que durant la campagne électorale en 2015, quelqu'un m'avait invité pour aller à la cuisine collective, c'est-à-dire à la soupe populaire à Matane, dans la ville où j'habitais en plein centre ville. On m'avait invité à onze heures et demie. Je suis arrivé à onze heures et quart et je te jure, il y avait une trentaine, une quarantaine de personnes qui faisaient la ligne pour rentrer dans cette soupe populaire là. Et je suis tombé sur le dos. La salle était pleine et il y avait toute sorte de monde. Il y avait des gens, comment dire, des familles monoparentales, des personnes âgées. Il y avait évidemment des gens qui avaient certaines limitations fonctionnelles ou qui avaient des problèmes cognitifs, ou bon. Mais il y avait toutes sortes de monde là-dedans. Et pour plusieurs, ils allaient chercher leur premier repas chaud de la semaine. Ça l’arrivait une fois par semaine. Et pour moi là, je voyais pour la première fois une partie de ma société, de ma communauté, que je ne que je n'avais jamais vue avant. La pauvreté, l'isolement, et ça, ça m'a frappé énormément. Donc, tout ça pour te dire que ce rôle de député, ma m'a fait comprendre, aussi m'a fait voir des choses que je n'aurais jamais pensé voir parce que - ce n’est pas parce que je n'étais pas sensible, mais on a notre travail, on a une famille, puis il y a des choses qu'on réalise qui existent, que je ne pensais pas qui existaient. Et pour moi, ça me faisait justement travailler davantage pour aider des personnes plus vulnérables, pour s'assurer qu'il y a les bons programmes, qu’il y a des bons services. Mais c'est ce rôle de député là, sans ça, je n'aurais jamais vu ce genre de chose là.

Chloë Hill: C'est clair que ses convictions et ses intentions d'avoir un impact positif sur sa communauté ont propulsé Rémi tout au long de son mandat de député.

Nous tenons à remercier encore une fois Rémi pour sa contribution à ce projet. Dans notre prochain épisode, nous aurons une conversation avec Monsieur Guy Caron, qui nous emmènera dans les coulisses de la Chambre des communes et discutera du leadership, de la démocratie parlementaire et de sa transition aux politiques municipales. 

Merci d'avoir écouté Les Personnages de la Chambre.

Un grand merci à tous les anciens et anciennes député.e.s et merci à vous d'avoir écouté Les Personnages de la Chambre.

Je m’appelle Chloë Hill, coordinatrice de recherche au Centre Samara. L'équipe qui soutient ce balado est composée de Sabreena Delhon, Beatrice Wayne, Vijai Kumar, Colm O'Sullivan et David Moreau.

La chanson thème a été composée par Projectwhatever.

Nous sommes reconnaissants au Patrimoine canadien pour son soutien financier.

Le Centre Samara pour la démocratie est une organisation caritative non partisane. Notre mission est de réaliser une démocratie résiliente avec un public engagé et des institutions réactives. Pour soutenir notre travail, visitez samaracentre.ça et cliquez sur « faire un don ». 

Ce balado fait partie du Projet d'entrevues avec les député.e.s sortants et sortantes. Pour en savoir plus sur ce projet et d'autres recherches, visitez notre site Web et suivez-nous sur Twitter et Instagram @thesamaracentre.

Si, comme nous, vous vous intéressez à l'aspect humain de la politique, aidez-nous à faire connaître notre balado. Évaluez et laissez un commentaire sur notre émission sur Apple Podcasts, vous seriez surpris de voir à quel point cela nous est utile. Parlez-en à vos amis. Et si vous enseignez, partagez cette émission avec votre classe. 

Merci de nous avoir écoutés.

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