Les Personnages de la Chambre Épisode 2: Matthew Dubé

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Les Personnages de la Chambre Épisode 2: Matthew Dubé
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Dans ce balado, Matthew répond aux questions suivantes :

  • Quels sont vos premiers souvenirs de la politique et de l’engagement civique?
  • Qui sont les figures politiques que vous admirez et pourquoi?
  • Comment vos proches ont-ils réagi à votre volonté d’entreprendre une carrière politique?
  • Comment votre implication dans la politique à l’Université McGill a-t-elle influencé votre implication au niveau fédéral?
  • Pouvez-vous parler un peu de la gestion d’une élection à l’âge de 23 ans? 
  • Pouvez-vous me parler du moment où vous avez gagné votre siège?
  • Quels étaient vos objectifs et pourquoi étaient-ils importants pour vous?
  • Pouvez-vous expliciter votre processus d’intégration?
  • Vous avez reçu un soutien de façon formelle sous la forme d’un mentorat. Comment cela vous a-t-il aidé?
  • Quelle était votre relation avec le chef de votre parti?
  • Vous avez mentionné que vous avez subi des traitements inappropriés par certains électeurs et reçu des messages anonymes par courriel et sur les médias sociaux. Comment cela a-t-il affecté vos capacités en tant que député? 
  • Pouvez-vous me parler de l’autonomie des député.e.s? 
  • Est-ce que le parti s’attendait à ce que ses priorités passent avant celles de votre circonscription?
  • Pouvez-vous décrire les points forts de votre mandat?
  • Avez-vous des recommandations pour améliorer l’expérience des député.e.s?

Script de l'épisode

Chloë Hill: Salut, bonjour, je m’appelle Chloë Hill. Je vous remercie d'écouter Les Personnages de la Chambre, une baladodiffusion du Centre Samara pour la démocratie. Dans ce balado, nous ne parlons pas seulement des député.e.s, nous nous adressons directement à eux et à elles. Nous creusons sous la surface pour apprendre ce que représenter sa communauté dans la capitale de notre pays signifie vraiment. Nous voulions tout savoir : ce qui se passe en coulisses, y compris les drames et les intrigues politiques. Mais surtout, nous voulions découvrir les député.e.s en tant qu'êtres humains ayant leur propre histoire à raconter.

Dans cette série en six parties, nous entendrons les témoignages d'anciens et anciennes député.e.s des 42e et 43e législatures du Canada, c'est-à-dire des parlementaires qui ont quitté leurs fonctions entre 2015 et 2021. Nous découvrirons leur expérience à la Chambre des communes et entendrons leurs conseils sur la façon d'améliorer l'expérience d'un ou une député.e, pour la personne qui porte le titre, mais aussi pour nous, le public qu'ils servent.

L'épisode d'aujourd'hui présente Monsieur Matthew Dubé, qui a représenté la circonscription québécoise de Beloeil—Chambly à la Chambre des communes pour le Nouveau Parti démocratique du Canada entre 2011 et 2019. 

La fonction de député a été le premier emploi de Matthew à sa sortie de l'université, à l'âge de 23 ans. Dans cette émission, Matthew souligne l’importance du leadership, des attentes à gérer et de l'influence des médias.

Voici notre discussion!

Chloë Hill: Alors merci encore Monsieur Dubé pour votre participation aujourd'hui. Commençons d'abord avec votre parcours politique. Pouvez vous me donner un peu de vos premiers souvenirs concernant la politique et à l’engagement civique? Avez-vous grandi dans un foyer ou une communauté politique?

Matthew Dubé: Il y a aucun, aucun membre de ma famille que moi j'ai connu en tout cas, surtout quand j'étais petit, qui était impliqué avec un parti directement dans la politique partisane. Mais surtout, mon réveil politique à l'âge de 34 ans, que j'avais avait 13 ans au moment du 11 septembre. Donc, comme beaucoup de personnes pour ma génération, c'est un événement qui a comme péter la bulle, c’est peut-être pas la plus belle expression dans le contexte. Mais pour justement nous faire réaliser qu’il y a des situations tragiques qui peuvent avoir lieu et des décisions qui doivent être prises par la suite par les gouvernements peuvent être extrêmement difficiles. Et moi, vous m'arrêtez si vous voulez prendre une autre direction là, mais pour moi, la, les décisions qui ont été prises dans les années qui ont suivi, notamment avec la guerre en Irak et ça que les Américains ont instigué. J'étais tout à fait contre ça. Donc, puis, comme beaucoup de Canadiens, je m'intéressais beaucoup à la politique américaine, et j'ai commencé à regarder chez nous: c'était quoi les positions des partis ici. Puis c'est comme ça tranquillement que j'ai commencé à m'attacher au NPD parce que le NPD était le parti qui était généralement contre la guerre, généralement pacifiste, voulait prendre d'autres moyens pour résoudre ces situations là. Et inévitablement, ça a découlé à l'intérêt pour la politique fédérale, mais locale. Donc pas juste ce qui se passe à l'étranger, même si le Canada est impliqué, mais ce qui ce passe ici. Mais j’ai vraiment décidé de m'impliquer rendu à l'université. Il y a un 5 à 7 organisé par le club campus du NPD à McGill, dont je deviendrai éventuellement le président. Avec Thomas Mulcair, qui était le seul député du Québec à l'époque, évidemment de NPD en 2008, si je ne me trompe pas. Et des personnes qui seraient éventuellement des collègues députés dans la vague orange étaient déjà impliqués avec le club. Ils m'ont dit, « tu as l’air intéressé, t’as posé des bonnes questions, on serait ravi si tu voudrais faire le saut et puis t’impliquer davantage, prendre ta carte de membre et tout ca ». Donc c’est pas mal comme ça que ça s'est passé pour moi.

Chloë Hill: Et je comprends, c'est ça, l'université, votre implication, j'imagine que c'est grâce à ça aussi que vous avez réalisé qu'une carrière politique était quelque chose que vous avez voulu?

Matthew Dubé: Oui, c'est drôle parce qu'après 2011, les gens essayaient de le caractériser comme « ah bien, c'était des gens qui s'attendaient pas à être élu  ». Mais oui et non. Donc, dans le sens où ils n'ont pas pigé dans un chapeau des noms pour dire « ça  te tente te présenter? » Moi, par exemple, j’ai rempli les formulaires pour être un candidat en 2010. Donc, près d'un an avant la campagne dans laquelle éventuellement je serais élu. Donc j'étais impliqué sérieusement, il y avait Phil Edmonston, qui était le premier député du NPD au Québec, qui avait été député de Chambly, donc qui était le comté dans lequel j'ai grandi. Donc, je voyais le potentiel. Je voulais quelqu'un qui allait être porte-drapeau, porteur de drapeau pour le NPD dans le comté, même si les chances étaient plus limitées à nos yeux à ce moment-là. Évidemment, les événements ont pris la tournure qu'ils ont prise donc. Oui, c'est toujours quelque chose qui m'intéressait, est-ce que je m'attendais que ce soit en 2011? Non, mais ça ne m'a pas empêché de me présenter parce que je trouvais ça important de présenter les idées et les valeurs du parti et évidemment c'est bon pour la démocratie. Puis, je pensais qu'il y aurait eu un intérêt de la part de la population. J'avais raison pour un certain temps. Par la suite, ils ont changé. 

Chloë Hill: Et vous avez mentionné Phil Edmonston ici, mais est-ce qu'il y a une autre personnalité politique que vous admirez? Et pourquoi?

Matthew Dubé: C'est drôle parce que je suis au NPD, mais je vais dire, j'ai toujours eu une certaine admiration pour Trudeau père, donc Pierre Elliott Trudeau. J'appréciais, je veux dire, même si je n'étais pas toujours d'accord avec les décisions prises, l'esprit un peu de combattant qu'il avait dans l'arène politique avec ses convictions. Je veux dire, c'était pas nécessairement mon style comme politicien. Mais j'avais l’appréciation pour ça. J'ai beaucoup apprécié, encore dans le même ordre d'idées, Thomas Mulcair, quand je l'ai rencontré en 2008-2009, je me considérais quelqu'un qui appuyait le NPD, mais j'avais des questions sur certaines prises de position dont je n'étais pas nécessairement convaincu. Puis c'est normal, je réaliserai par la suite qu’un caucus ne faisait jamais l'unanimité. Donc il n'y avait rien d'étonnant là dedans, mais à l'époque, dans ma tête l'idée c'était que tout le monde pense la même chose dans un parti, c'est pas vrai. Mais je lui ai posé des questions assez difficiles parce que je voulais sincèrement me faire expliquer la position. Pas pour être un troll, pas pour être difficile, ou quoi que ce soit. Puis il a pris la balle au bond, puis m'a répondu franchement, j'ai beaucoup apprécié. Je pense d'ailleurs, mes futures collègues et amis, Mylène Freeman, Charmaine Borg et Laurin Liu, qui étaient là, celles qui m'ont invité à me joindre au parti, ont perçu la même affaire. Que c'était pour les mettre au défi ou pour être difficile, mais surtout parce que j'étais intéressé justement. Donc, j'ai toujours une appréciation pour ça. 

Chloë Hill: Et monsieur Dubé, comment vos proches ont-ils réagi à votre volonté d'entreprendre une carrière politique?

Matthew Dubé: Il y a eu beaucoup d'opinions différentes! Ma mère m'a toujours bien appuyé, peut-être pour des raisons expliquées plus tôt, je ne sais pas, mais évidemment c'était encouragé. Mon père à fait sa carrière en ressources humaines, alors la précarité de l'emploi d’être élu, ce n'est pas quelque chose qu’il appréciait, je pense. Donc il était toujours en train de me dire d’avoir un plan B, comment j'allais me recycler par la suite dans ma carrière professionnelle, parce que c'est vrai, puis peut être qu'on y reviendra, mais il y a une réalité: plus que le député est jeune, puis je parle pas juste des députés dans la vingtaine comme je l'étais, mais même les députés dans la trentaine, quarantaine, voire même la cinquantaine. Bref, tous ceux qui s'emploient à l'âge de la retraite, dépendant de la profession ou dépendant de la situation professionnelle, juste avant d'être élu. Ça peut être difficile de retourner à la vie privée par la suite, de retrouver son emploi ou un emploi dans le même secteur. Et dans mon cas, le fait d'avoir été élu juste après l'université, comme trois semaines après avoir complété ma dernière session, je n'ai pas eu la chance d'établir dans aucune sphère professionnelle. 

Chloë Hill: Excellent et vous avez déjà mentionné que vous avez été impliqué en tant que président du groupe à McGill aussi, pouvez vous nous dire un peu ce qui a suscité intérêt pour ce sujet ou de vous présenter de cette façon là? Et ce que votre participation à entraîné?

Matthew Dubé: Oui, j'avais le goût de jouer un rôle de leadership dans différentes instances du parti. À la même époque, durant cette même période, je suis devenu aussi président des Jeunes néo-démocrates du Québec dans l'aile jeunesse du NPD au Québec, et c'était surtout parce qu’il y avait un besoin. Donc on était évidemment, comme on l’a vu avec les résultats aux élections, à un moment où il commençait tranquillement à avoir un intérêt pour le parti, mais c’est pas tout le monde. C'est drôle, on le voit encore aujourd'hui, puis c'est vrai dans tous les partis, il y a beaucoup de gens qui sont hésitants à se porter bénévoles pour être président, vice-président, secrétaire, peu importe le titre soit dans une association de comté ou au sein du parti, parce qu’ils ont l'impression que ça va être trop de travail, ou ils vont trop se faire demander. Puis évidemment, il faut être partant pour assumer des tâches. Mais c'est aussi du bénévolat, donc veux, veux pas, si on a des empêchements, on a des empêchements. Mais moi, j'étais partant parce qu'il y avait beaucoup de gens qui passaient leur tour et je voulais jouer un rôle de leadership, mais je m'étais dit qu'en m'impliquant davantage, c'est une belle façon de créer des liens avec d'autres militants dans le parti, d'apprendre beaucoup aussi également, évidemment, et de pouvoir éventuellement me présenter. En fait, c'est exactement le cheminement qui a lieu, mais sur un lapse de temps plus court que ce que j'avais en tête à ce moment-là. Donc ce qui est arrivé, et j’ai trouvé ça intéressant, il y avait plein de députés qui rencontrait des gens qui, tout d'un coup, avaient des emplois, qui étaient devenus des attachés de presse ou peu importe pour le parti, puis qu'ils étaient déjà des personnes que je connaissais, voir même des amis, justement à cause de mon implication. Et ça, ça m'a rendu la vie beaucoup plus facile que ça, beaucoup plus agréable. Puis c'était des amis, donc c'est juste une belle chose. Je veux dire, il faut aussi avoir du plaisir dans tout ça. Donc, c'est un peu ça que ça m'a donné, être impliqué à ce niveau là.

Chloë Hill: Pouvez-vous parler un peu de la gestion d'une élection à cet âge-là? Le processus de nomination et l'intégration d’une personne dans un premier emploi, et vraiment celui de député?

Matthew Dubé: Ouais, je dirais que pour l'élection en tant que telle, pour le meilleur et pour le pire, surtout pour le pire, l'argent, c'est vraiment le nerf de la guerre parce qu'il y a des attentes auprès de la population. Dont, avoir des pancartes, des choses comme ça, puis vu que le NPD n'était pas vraiment vu,  à part quelques endroits, comme une option viable jusqu'à la dernière semaine de l'élection de 2011. Difficile à ce moment-là de convaincre les gens de donner leur argent, même des petits dons sont difficiles, parce que les gens veulent soit donner à un député sortant, même s'ils ne sont pas du parti, parce qu'ils appuient le travail du député ou l’approche du député, peu importe. Évidemment, il y a les purs et durs, les vrais partisans qui vont donner de l'argent aussi. Ou un parti qui a une chance de gagner, puis quelqu'un veut voir un député défait. Il y a toutes sortes de motivations. Puis on avait juste aucun de ces emprises là pour solliciter les gens, donc c'était vraiment difficile à ce niveau là. Et le député m’a critiqué d'être absent du débat et mon éventuel collègue Pierre disait« bin, il est aussi étudiant, il est étudiant à temps plein ». J'étais littéralement à l'école au moment que le débat avait lieu. Donc, c'était pour dire que ça décourage fortement l'implication des gens. Et quand il y a un débat en plein milieu de la journée, je veux dire, quelqu'un, même pas un jeune, quelqu'un même qui travaille. Je veux dire, les gens oublient qu'il faut prendre congé. Essentiellement, beaucoup de personnes choisissent de prendre congé. Soit c'est un congé sans solde à cause de la nature partisane de se présenter comme candidat. Donc, il y a énormément de barrières à ce niveau là. Puis je les ai vécues. C'était drôle parce que j'ai remarqué que les jeunes, on était presque mieux outillés que certains députés plus âgés. Je dis ça poliment pour les enjeux parce qu'on était tellement impliqué. On était tellement intéressé par la politique, d'avoir une opinion sur les enjeux, de contribuer aux discussions dans le caucus, de faire des discours en chambre, le contenu ça allait. Évidemment, ça nous a pris un certain temps avant qu'on est à l'aise avant de s'exprimer en caucus, parce que c'était intimidant. Il y avait des députés qui étaient là, qui ont été élus, qu'on regardait quand on était adolescents. Même avant d’aller à l'université en 2004, en 2006, même. Je vous dirais, à ce moment-là, on avait quatre collègues qui ont été élus dans les années 90. Puis, sans parler des autres partis pour les discours en Chambre, c'était intimidant à ce niveau là. Mais on était confiants dans nos connaissances, dans notre, si je peux appeler ça notre intelligence politique. Tandis qu’il y en avait donc que, ils se sont impliqués parce qu'ils aimaient le parti, mais ils ne savaient pas… Demander leur pas de parler des détails d'un projet de loi, ils n’ont peut être pas nécessairement suivi en détail. Donc, on avait cet avantage là. Le contrepoids de tout ça c'est, faute d'expérience, il y a beaucoup du travail des députés qui passent inaperçu, que les gens oublient. C'est-à-dire gérer deux bureaux, gérer les employés, gérer et embaucher des employés. Ça, pour moi, c'est la courbe la plus raide, la courbe d'apprentissage la plus raide, parce que je ne m’y connaissait pas du tout. J'avais jamais fait un budget, j'avais pas géré des employés, évidemment. Ce que le NPD a fait, qui a énormément aidé, puis on donne pas assez de crédit pour ça, puis ce n'est pas assez connu à mon humble avis, c'est, ils ont pris la décision de nous jumeler avec un mentor. Donc un député qui était déjà là, qui était là pour répondre à nos questions, pour nous aider de façon informelle. Mais, moi, je veux dire, mon mentor c'était Malcolm Allen, qui était le député de Welland à ce moment-là. Malcolm c’est comme un ami jusqu'à aujourd'hui, on est encore amis. Longtemps après que la relation de mentorat a pris fin dans ce sens-là. Il était à mon mariage et tout ça. J’ai dit toujours, c'était comme mon papa politique. Puis il m'a beaucoup appris à ce niveau là. Puis d'autres députés ont bénéficié de relations similaires avec des personnes comme Peter Julian, Megan Leslie qui étaient députés à ce moment-là. Donc c'était vraiment un beau système qui nous a beaucoup aidés. C'est pour cette raison là que j'ai pu non seulement servir pendant huit ans et demi, mais de façon efficace. 

Chloë Hill: Pouvez-vous me raconter un peu au sujet du moment où vous avez gagné votre siège?

Matthew Dubé: Le jour de l'élection, comme je l'ai dit, la priorité du parti c'était « Thomas Mulcair doit être élu dans l’Outremont, puis le reste, c'était tant mieux ». Mais, je me suis assuré d’apporter un complet, parce qu’on voyait qu’on était projeté à gagner. On a dit, ça se peut pas, je veux dire, on a pas eu la chance de faire... Je veux dire, oui, on a rencontré nos électeurs. Oui, on a fait de petites campagnes, mais je veux dire. La blague que je compte toujours c’est que ma campagne, c'était de faire du vélo dans la pluie, puis cogner à quelques portes ou laisser des dépliants dans les boîtes à lettres. Donc, bref, on ne savait pas, fait qu’on était prêt à tout. Il y a eu le grand rassemblement du NPD pour le Québec, puis pour la grande région de Montréal. Le soir même, c'était émouvant, c'était excitant. Le lendemain, c'était un peu épeurant parce que même si on… Puis, c'est drôle parce que quand je dis ça aux gens, les gens se disent toujours, « ah oui, bien c’est sûr que c'était épeurant, vous étiez pas prêts, des jeunes comme ça ça ne devrait pas être député, vous ne vous  attendiez pas à gagner ». Mais en fait, si quelqu’un, même un candidat vedette ou même quelqu'un qui a été, je sais pas, avocat, gestionnaire d’entreprise, enseignant, nommez-moi la profession, qui va se faire élire, n'est pas un peu intimidé le lendemain, c’est un menteur à mon avis. C’est comme, c'est une grande responsabilité, puis quand on voit notre nom passer comme ayant gagné la réaction dans les médias, puis les gens autour. Si quelqu'un a pas petit un nœud dans l'estomac en voyant ça, ils ne seront pas un bon député parce que…Cette peur là vient de l'humilité, à mon avis, pas pour me vanter, ça n'a pas l’air humble de parler d'humilité dans ce sens là, mais c'est un peu ça le sentiment qui est qui arrive, puis je pense. J'ai appris avec le temps à rencontrer d'autres nouveaux députés sur les huit ans et demi que j'étais là. Et c'est drôle, parce que peu importe le cheminement de la personne ou leur âge, c'est vraiment une expérience, leurs expériences se ressemblent drôlement malgré les circonstances uniques dans lesquelles moi et d'autres ont été élus à certains moments.

Chloë Hill: Alors en entrant dans le poste, je me demande quels étaient vos objectifs? Et qu'est-ce qui était vraiment important pour vous en début de cette phase d'accueil?

Matthew Dubé: La plus grande priorité, c'était de me faire connaître. Les gens évidemment.. J’ai grandi dans mon comté, donc il y avait, oui, des gens qui me connaissaient et tout ça. Mais évidemment, dans un comté à ce moment-là de 130 000 personnes, je veux dire, on ne connaît pas tout le monde. Donc, je voulais vraiment être connu. Je voulais rencontrer, en fait, la première chose que j’ai faite était d'organiser des rencontres avec les maires, j'avais à ce moment là 12 municipalités dans mon comté. Puis tout d’un coup, on s’en va à Ottawa. Puis, il y a un paquet de rencontres, il y a énormément d'informations qui sont transmises d’un coup. Puis ça aussi c’est difficile de tout apprendre. Puis on réalise, pas besoin de s’en souvenir tout en même temps parce que on n'utilise pas toute cette information là dès le lendemain. Évidemment, ça prend du temps avant qu’on se serve de toutes les ressources qui sont mises à notre disposition et tout ça. 

Chloë Hill: Pouvez-vous élaborer un peu plus à ce sujet aussi, le processus d'intégration?

Matthew Dubé: Ouais, je dirais que, la, ils font un super travail en terme de, c'est très complet, l'information. Ce que j'ai surtout apprécié, je ne l'ai pas apprécié dans le moment, mais je me souviens maintenant. En regardant en arrière, ils n'avaient pas de jugement non plus. Ils ne m’ont pas traité différemment parce qu'elle a 23 ans qui traite un collègue de 60-70 ans. Il y avait eux autres, et puis il faut donner crédit encore aujourd'hui, puis tout le monde, tout le monde qui travaille à la Chambre des communes. Surtout, à ce moment-là, c'est vraiment, ils sont là pour aider. Il n'y a aucune, on dit toujours, comme on dit en anglais l'expression « no stupid questions ». Ils ont vraiment cette attitude là. Parce que moi, je posais des questions. Je veux dire, j'ai 23 ans puis je me fais expliquer, assurance privée, pension, toutes ses affaires là. Puis je veux dire, c’est beaucoup d'informations, c'est des choses que je connais pas qui, jusqu'à présent, à ce moment-là, étaient pas nécessairement pertinentes dans ma vie et tout ça. Donc, ils sont très délicats disons à ce niveau là, pour aider. Je dirais que la seule critique, il n'y a rien qui peut être fait là-dessus. Parce que dans le fond, tous les agents de transitions sont des personnes qui occupent d'autres fonctions normalement, qui sont temporaires. Donc, par exemple des employés de soutien pour les comités parlementaires ou des choses comme ca, qui sont délégués temporairement, comme à chaque transition. Puis du même coup, surtout dans une élection comme 2011… En fait, à chaque élection ou il y a une grosse vague, mais surtout 2011. C'était comme un zoo, pas juste dans le chaos. On nous regardait comme si on était des animaux exotiques, ah! Je veux dire, ma collègue Ruth Ellen Brosseau, toute l’histoire de Vegas, et tout ça. Il y avait Pierre-Luc Dusseault, le plus jeune député jamais élu au fédéral à 19 ans. Il y avait moi et mes consœurs de McGill qui, les McGill 4 et tout ça. Puis on nous regardait comme des, c'était, c'était presque plus de la paparazzi que c'était du journalisme parlementaire à certains moments. Donc, rajoute tout ça puis, au bout du compte, ça a été un bel apprentissage parce qu'il y avait tellement de choses qui arrivaient en même temps que même dans les moments les plus stressants de la vie de député plus tard dans mes deux mandants je suis devenu tellement à confiant, à l'aise avec mes forces et mes faiblaisses que ça m'a permis d'être un meilleur député je crois, mais c'est sur que dans le moment, ça bouge pas mal....

Chloë Hill: Plus tôt aujourd'hui, vous avez mentionné que vous avez reçu un soutien de façon formelle aussi par guise de mentorat. Pouvez-vous m'expliquer un peu plus à ce sujet comment cela vous a bénéficié?

Matthew Dubé: Oui, donc, au début, cela m'a bénéficié surtout d'une façon logistique, donc je parlais plutôt de toute l'information qui est transmise par la Chambre des communes. Je n'avais pas encore d'employés, donc, mais même l'équipe de Malcolm était vraiment gracieux à m'aider avec le, je veux dire j’avais des demandes de déplacement pour le remboursement de mes déplacements. et puis tout ça. Et ça a l'air niaiseux, mais je veux dire, j'étais étudiant, puis les députés ont est bien rémunérés, mais on n'avait pas encore été payés, et j’avais comme 5 pièces dans mon compte de banque, et puis j’avais une carte de crédit étudiante, puis tout d'un coup, il fallait que je paye de ma poche le train, l'hôtel et tout ça. Puis, je reconnais le privilège que j'ai eu de faire ce travail là, puis la rémunération et tout ça, mais au début, il y a une période jusqu’au temps qu'on s'organise ou c’est.. puis je pense que le fait d'avoir été étudiant, c'était encore spécial à ce niveau là. Fait que, ils m’ont beaucoup aidé avec ça. Malcolm, c'était intéressant parce que, là il doit avoir dans la mi-soixantaine, même fin soixantaine. Donc, il est plus âgé que moi, évidemment. Puis il venait d'un milieu syndical, donc il était électricien de formation, il travaillait pour le syndicat des Auto Workers dans le temps. Donc, un peu du côté, le cliché du gars syndicaliste, un peu plus dur et tout ça. Puis il est Ecossais en plus, il est né en Ecosse. Mais ça faisait des années, des décennies qu’il était au Canada, évidemment. Fait que, vraiment pour moi, moi je suis beaucoup plus doux, j’ai comme un, on a un style différent, mais je pense que ça nous a tellement aidé parce que. Au début, les jeunes députés on se faisait tabasser pas mal, des gens avaient pas confiance qu’on serait en mesure de faire le travail d'ailleurs. Parenthèse, il y a de plus en plus de jeunes députés à tous les niveaux. Je te dirais plutôt que ma première priorité, c'était d'établir des relations, mais j'essayais de le faire dans un contexte où le NPD, notre caucus, mes collègues, moi, on passait aux nouvelles pour faire dire, Comment peut-on faire confiance à ces jeunes là et tout ça. Donc nécessairement quand je rencontrais les gens dans le comté, ils disaient « Ouais, mais on écoutait la télé hier, on a écouté les nouvelles, puis on a dit ça sur vous…» Alors, donc, de gérer ça c'était difficile, mais j'étais confiant dans ma capacité à faire de la politique. J'étais prêt à travailler fort, mais quand on ne sait pas comment répondre à ce genre de critique là, c'était nouveau. Puis Malcolm m’a beaucoup appuyé avec ça au début. Puis tout au long des années, ça serait un peu ça le genre d'appui. Quand il y avait des, des controverses politiques, autant à Ottawa en Chambre, des controverses nationales que des trucs locaux. En positif ou négatif, il était toujours là pour me conseiller. À plus qu'une fois, on était assis dans l’antichambre de la Chambre des communes, puis on prenait un café, puis on jasait surtout, et on a souvent pris une bière et tout ça pour jaser. Des fois, juste parler de la vie, de la conciliation travail-famille. Je veux dire, Ses filles étaient plus âgées, habitaient plus à la maison, mais il était très proches avec ces filles encore. Elles habitaient pas loin, puis il était bon pour m'aider avec ça aussi parce que c'était important pour moi d'être présent dans le comté. Donc, je voulais des conseils là-dessus beaucoup aussi. Mais c'était vraiment de tout, en fait. On jasait de tout et c'était très informel, pas dans un mauvais sens, mais dans le sens où jamais de pression, on ne se rencontrait pas de façon formelle, c'était vraiment « lance moi un coup de fil, on se rencontre pour un verre, peu importe quand tu veux jaser ».

Chloë Hill: À ce stade précoce, quelle était la relation avec votre chef de parti?

Matthew Dubé: C'est comme vous pouviez l'imaginer, c'était une situation unique à cause des circonstances tragiques entourant Jack, Jack Layton. Tout d'abord, il était, il a été tellement bon pour nous appuyer, puis de donner crédit à l'implication des jeunes en politique. Je veux dire, il a fait Tout le monde en parle pendant la campagne, ce qui nous a permis, je pense en partie, ce qui a expliqué sa popularité au Québec, cette belle entrevue. Mais il nous a défendus et a expliqué en anglais dans d’autres instances aussi, mais il a parlé de comment c'était important de de, disant « ah on veut toujours que les jeunes s'impliquent davantage. Puis là il y a des jeunes qui sont élus, puis on va, excusez l'expression, on va chier dessus ». Il a vraiment travaillé fort pour ça, et on en a été extrêmement reconnaissant. Je me souviens, on avait fait, les McGill 4 - Mylène, Charmaine, Laurin et moi - on avait fait une entrevue avec Michael Enright à CBC Radio le dimanche. C'était pré-enregistré, puis je me souviens, et c’est quelque chose qui va me rester gravé pour la vie. Je suis sorti de là, puis un de nos attachés de presse qui était un autre ami! Beaucoup d'amitié, c'était positif, évidemment. L'attaché de presse il dit.. Je le regarde, « je suis pas content, ça c'est pas bien passé, je ne suis pas satisfait avec comment j’ai répondu ». Il dit, « non non, tu l'écouteras, c'était bon, fais toi en pas ». Puis je ne l'ai même pas écouté, j'étais pas intéressé, pas content de ma prestation. Le lundi matin, il m'envoie un courriel, puis dit « tu vas voir que j'avais raison ». Puis c'était un courriel de Jack qui disait que lui et Olivia, son épouse, l'ont écouté à la radio, et que ça leur a fait pleurer. Il était tellement ému à entendre à quel point on avait des belles valeurs, qu’on s'exprimait bien et qu'on connaissait les enjeux, mais qu'il y avait aussi un vent de fraîcheur dans la politique. On nous a aussi, pardon, transmis un courriel d'Audrey McLaughlin, qui était la députée au Yukon, qui était la cheffe de parti à une autre époque aussi, pour dire « je vois aller les jeunes députés, j’ai entendu les jeunes députés à la radio ». Ça m'a beaucoup appris, de ne pas prendre pour acquis qu'une entrevue a mal été. Et que j'étais pas content évidemment. Puis ça, ce courriel là, je l'avais encadrer dans mon bureau, donc c'était vraiment un bon moment. Et Jack était venu nous visiter parce qu'on avait eu des inondations dans le comté avec la rivière Richelieu. Donc, on avait visité, on était dans un comté de Saint-Jean, dans le comté voisin. Mais on est allé, les trois députés de la région avec lui pour visiter les gens. Ça avait fait beaucoup jaser. Les gens ont beaucoup apprécié sa présence là. Puis pouf, tout un coup, il y a eu tout ce qui s'est passé à la Chambre des communes. Là, on a débattu pendant la fin de semaine de la Saint-Jean en plein milieu de la nuit, parce qu'il y avait un projet de forcer le retour au travail des employés de Postes Canada. Puis bang, arrive l'été puis au mois de juillet, on se fait convoquer à une rencontre d'urgence du caucus, puis on entend sa voix au téléphone. Puis ça paraissait qu'il était extrêmement malade. On a appris évidemment plus tard dans la journée que le public allait le savoir. Puis un mois plus tard, il est décédé. C'était, c'était très court comme période de temps. C'était peu là. Là, il allait y avoir une course à la chefferie. Tout le monde, même les députés plus expérimentés ont été vraiment ébranlés par son décès. Donc, nous, on regardait vers eux. Puis là eux étaient ébranlés, nous on était nouveaux. Donc, il y avait beaucoup de choses qui se passaient. Puis là, c'est une des raisons qui fait que j'ai fini par appuyer M. Mulcair pour des raisons politiques, sa popularité au Québec comme étant perçue dans mon comté, mais aussi parce que je le considérais aussi comme un mentor, parce qu’au cours de la même période et même avant, depuis que je l'ai rencontré cette année-là, dont j’ai parlé plus tôt, il a toujours été un bel appui pour moi. Mais, fait que, ça résume un peu, dans cette période, ma relation avec Jack et comment, et je me suis impliqué dans le début de la course à la chefferie.

Chloë Hill: Dans notre sondage aussi, vous avez mentionné que vous avez reçu ou faites face à des traitements inappropriés par certains électeurs et des comptes anonymes par courriel et aussi sur les média sociaux. Alors, avez-vous pensé soit à un autre exemple de ce genre et dites moi un peu plus à ce sujet? Et comment cela a-t-il affecté vos capacités en tant que député? 

Matthew Dubé: Évidemment, comme homme blanc, je n'ai pas vécu le pire de ce qui existe et je pense que les réseaux sociaux, de ce que je vois c'est encore pire aujourd'hui pour les élus que c’était quand j'étais là. Mais ce que j’ai vécu, j'ai vécu différentes choses. Mais effectivement, par courriel, je veux dire, je me souviens l'histoire du journal c’est, il y avait une annonce pour souhaiter bonne Saint-Jean qui avait été publiée en mon nom. Puis il y avait une faute de français qui s’est glissée, parce qu’on n'a pas eu la chance d'approuver la dernière version avant que ce soit publié. Donc, évidemment, comme jeune député avec un prénom anglophone, même si j’ai grandi dans les deux langues. Mon père est francophone, je suis parfaitement bilingue, évidemment. Je me considère seulement anglophone parce que c’est ma langue maternelle, puis c'est ma mère, donc c'est littéralement la langue maternelle, mais autre que ça. Le fait que j'ai été à McGill, le fait que j'étais dans le système scolaire anglophone, puis c'étaient des choses qui étaient connues dans la communauté. Puis, comme j'ai dit, mon prénom fait en sorte que j'ai reçu un paquet de courriels à ce moment-là, pour dire « le crisse d'anglais, le si, le ca, etc. » de la part de… j'avais un comté très nationaliste qui ont voté à grande majorité, comme 85% oui dans le référendum de 1995, j'ai défait le Bloc québécois. C'est toujours le Bloc québécois qui est là aujourd'hui depuis que je suis parti. Donc, il y avait ce sentiment nationaliste là qui virait plus laid, dans la fond, ou il y avait ces notions là qui existe. Ça ne représente pas la majorité des gens, évidemment. Puis là le monde qui disent « un libéral de moins dans le monde ça ferait du bien ». Ça devient de pire en pire. Et c'est tellement horrible et puis c’est difficile d'en parler, parce que même tantôt, quand je vous partageais l’histoire des gens qui m’ont appelé  « maudit anglais », parce qu'il y avait une faute de français dans ma publication. Ce n'est pas la majorité des gens, mais le problème, c'est que le débat est devenu — et je le voyais arriver quand j'étais député, puis je le vois aujourd'hui comme vous le voyez sûrement à votre organisation — les débats publics, on arrive à un point où on peut même pas parler des propos qui sont menaçants ou malsains ou qui font du harcèlement ou peu importe. Parce que là, après on dit « c’est pas tout le monde qui est même, vous êtes en train de peindre tout le monde avec le même pinceau » et puis tout ça. Mais, non, je ne suis pas en train de dire que les souverainistes sont tous intolérants ou vont me traiter de « maudit anglais ». Je sais que c'est une minorité, j’ai été réélu dans ce comté-là, et je sais, dans les plus grands supporteurs des souverainistes, donc j’ai pas de problème. Mais si je conte l'histoire a quelqu'un dans mon comté pour dire que je me suis fait traiter de « maudit anglais », ça l'aurait jamais passé. Je ne pouvais pas en parler parce que ça aurait été, c’est pas l'expression appropriée, mais un suicide politique, parce que là, on aurait dit, « Matthew pense que tous les souverainistes et nationalistes ont un problème avec les Anglais, plus lui il est anglophone, bla bla bla.. » Même si ce n'est pas ça que je voulais dire. C'est comme ça que ça aurait été perçu. Ça devient difficile d'en parler, puis je trouve que c'est comme ça aujourd'hui. « Ah, le convoi des camionneurs c’est ci… » « Ah, là vous êtes en train de dire que tout le monde, ça… » Je commençais déjà à voir ça. Donc, on passait sous silence qu'on vivait, on en parlait entre nous. Je parlais avec ma famille, mais publiquement, moi, je n’en parlais pas parce qu'on « ah t’es député, t’es privilégié, bien payé, t’es si, t’es ça, arrête de t'apitoyer sur ton sort… » Je m'en fous, pour moi, mais je m’en fous pas, mais c’est pas juste pour moi, c'est pour comment se tient le débat, comment on est comme société. Ça va au-delà de juste moi personnellement, même si y a un impact pour moi parce que, évidemment, ce n'est pas facile à entendre ça. Ce sont les exemples que je donnerais, mais je sais qu'il y en a qui ont vécu 100 fois pire. J'espère que ça l'aide dans un sens de contexte là.

Chloë Hill: Pouvez-vous me parler un peu de l'autonomie des député.e.s? Est ce que le parti s’attendait à ce que ses priorités passent avant celles de votre circonscription?

Matthew Dubé: Ouais, c'est compliqué. Je pense que la façon dont c'est perçu, puis la façon que ça se passe, je pense que la réalité, c'est drôle à dire, se trouve quelque part dans le milieu. C'est à dire, il y a une perception que, par exemple, quand tous les députés votent de la même façon, que les députés n’ont pas de capacité à être indépendants, ou ne sont pas en mesure de faire entendre leurs priorités, mais la dynamique dans le caucus, c'est comme la dynamique pour un gouvernement. Un gouvernement quand par exemple, ils prennent des décisions pour financer des programmes dans le budget ou quand ils prennent des décisions de quel projet approuver ou non, et tout ça. Inévitablement, il va y avoir des gagnants et des perdants dans ce processus-là. C'est un peu la même chose au sein du caucus. Il y a des députés qui vont vouloir qu'on appuie quelque chose, un projet de loi. Il y a d’autres fois, des députés qui voudront pas qu'on appuie un projet de loi. Il y a beaucoup de projets de loi, beaucoup de politiques où c’est évident. On est tous au NPD, alors il y a quand même des valeurs partagées. Donc il n'y a pas toujours de chicane. Des fois, ça va de soi qu’on a, on a des prises de position. On a fait campagne sur la plateforme de notre parti, alors ça doit jouer dans le calcul. Et donc, je pense que c'est normal, il n’y a rien d’anti-démocratique là dedans, au contraire. Par contre, ça l’arrive souvent avec les projets de loi émanant des députés, qui touchent des enjeux très précis parfois, et où il y a parfois un peu plus de liberté. Nous ce qu’on faisait au NPD, c’est généralement on encourageait, la majorité du temps, on encouragait le consensus. Donc, on avait un caucus législatif où, une fois terminé nos réunions de caucus normales, les porte-paroles en la matière présentaient la position sur un projet de loi, expliquaient pourquoi. Quand on est au fédéral, des fois il y a des enjeux où des gens dans le comté ont une opinion, mais ça ne va pas toujours les toucher directement, ça peut être très compliqué. Donc, pour revenir à la question, je dirais que les partis veulent imposer un consensus, veulent imposer une ligne de parti. Les députés veulent généralement adhérer le plus possible parce qu'on reconnaît qu'on aspire gouverner, donc on veut démontrer qu'on est capable de créer un consensus. Mais derrière les portes closes, il y a des débats parfois très intenses et évidemment quand possible, s'il n’y a vraiment aucun consensus, un député va voter de façon différente que la recommandation du porte-parole, du chef ou du parti. Donc, je partage tout ça parce que je pense des fois qu’il y a une tension dans la façon dont c’est perçu par le public versus comment ça se passe dans toutes les tractations et les conversations en coulisses. Puis le dernier point que, je veux pas avoir l’air de l'ex politicien qui blâme les médias. Ça me fait toujours un peu rire, parce que des fois les journalistes ont parlé de « ah, vous êtes des drones, vous votez tous de la même façon! » Mais c'est sûr que si demain matin, si disons je suis encore député, puis demain matin, je vote contre mon parti,  la une du journal, « dissensions au sein du parti », « le chef est faible », « le parti n'est pas capable de gouverner parce qu'il a un député qui a voté d'une façon différente ». C'est négatif, négatif, négatif. C'est à se poser la question. Le parti a aucun intérêt pour donner cette perception là parce que c'est uniquement négatif. Puis c'est drôle à dire, parce que c'est la même chose de la population. Il y a eu quelques fois où des députés ont voté de façon différente sur certains enjeux. C'est une question compliquée. Puis j’'ai pas la bonne réponse, je pense c'est plus compliqué que ce que certains pensent. Mais je ne sais pas c'est quoi la solution, mais moi, c'est comme ça que j'ai perçu la réalité pendant mon temps comme élu.

Chloë Hill: Merci, et Monsieur Dubé, pouvez-vous me parler ou élaborer un peu plus sur les points forts de votre mandat?

Matthew Dubé: Dans les points forts, je vous dirais c’est, vous allez peut-être percevoir que c'est un thème qui revient souvent sur comment j’ai perçu mon travail, mais les relations avec les gens. C'est un mot que je répète beaucoup ce matin, mais si on enlève le théâtre, la période des questions, puis ce que les gens voient, puis même-la, les amitiés avec les députés en comité et tout ça. C'est vraiment un point qui revient souvent pour moi, c'est ces relations là. J’ai trouvé ça extrêmement important, donc absolument un moment fort. J’ajouterais, pour moi, puis on en a déjà discuté beaucoup, c’est la façon que moi et d'autres collègues aussi, dont j'admire beaucoup, on a réussi à défaire des tabous, les perceptions qui existaient au début de notre élection en 2011, puis d'être respectés, puis d'être des bons députés. Puis finalement, c'est juste le bilan dans les victoires, le financement qu'on a obtenu, des projets d'infrastructures qui ont été de l'avant grâce au travail que j'ai pu faire avec mes homologues municipaux et provinciaux. 

Chloë Hill: Vous avez été tellement généreux avec vos réponses aujourd'hui. J'ai une dernière question.

Matthew Dubé: Bien sûr. 

Chloë Hill: Avez-vous des recommandations pour améliorer l'expérience des député.e.s?

Matthew Dubé: Moi, je pense, c'est de prendre le temps. Je vais avoir l'air répétitif, mais de ne pas avoir peur de créer des liens avec les députés des autres partis, de ne pas avoir peur de trouver des gens, peu importe le parti, qui ont les mêmes priorités pour une idée X et de ne pas être intimidé au début. De ne pas penser qu’on a besoin de tout faire du jour au lendemain. C’est peut-être différent dans un Parlement minoritaire parce qu'il peut y avoir une élection à n'importe quel moment. Moi, j'ai été chanceux, c'était à deux mandats majoritaires, mais j'ai appris que c’est un marathon et pas un sprint dans ce contexte là. Vaut mieux dire je n'ai pas la réponse, mais on va y travailler, puis de faire quelque chose de mieux que d’essayer de le faire trop rapidement, puis de l'échapper. Non seulement à cause des perceptions du public, parce qu'une erreur, ça passe mal, mais aussi pour la qualité du travail qu'on fait pour les citoyens. Ça sert l'intérêt de personne de, de, de commettre des erreurs. Et comme dans n'importe quel métier, quand on essaie de trop en faire, mais en politique il y a beaucoup de gens qui veulent trop en faire. Ils veulent faire la une du journal Le National, ils veulent avoir les réponses à tous demain matin, c’est impossible. Peu importe ce qu'on a fait avant, c'est impossible. Le dernier conseil, j’en donne plus qu'un si vous me permettez, c'est surtout en politique fédérale. Il y a tellement d'enjeux, il y a tellement d’enjeux de politique publique. Quand j'ai été élu, je voulais lire tous les rapports sur tout. J’ai rapidement réalisé que mes intérêts personnels, mon comté et le dossier de porte-parole qui m'a été confié, il fallait que je me limite à ces trois choses-là. Donc, je veux dire, Pêches et Océans, c'est super important. Ça ne me touchait aucunement dans les trois choses que je viens de nommer. Donc quand il y avait un rapport Pêches et Océans, je ne le lisais pas. Sans manquer de respect envers Pêches et Océans, c'est un exemple que je donne personnel. Il y a beaucoup de députés qui veulent lire tous les rapports. Ils veulent lire chaque fois que le gouvernement annonce quelque chose, impossible. Il faut choisir les enjeux qui sont les plus importants selon ces trois priorités là, à mon avis. Puis, il faut se focaliser là-dessus puis c'est de cette façon là qu'on peut réussir. 

Chloë Hill: Excellent et merci encore Monsieur Dubé pour votre sagesse et encore votre, vos partages généreux ce matin. 

Matthew Dubé: Merci pour le travail que vous faites et tout ça, parce que je pense que c’est, pour le public aussi et pour les autres députés, je pense, ou les éventuels députés, je pense c’est un exercice utile. Fait que, bien heureux d'avoir pu y participer.

Chloë Hill: Cette entrevue a vraiment fait ressortir comment Matthew et d'autres collègues ont réussi à défaire des tabous et des perceptions qui existaient au début de son mandat. Nous tenons à remercier encore une fois Matthew pour sa contribution à ce projet. Dans notre prochain épisode, nous aurons une conversation avec Madame Linda Lapointe, qui nous emmènera dans les coulisses de la Chambre des communes et discutera de l'importance des femmes en politique, des droits linguistiques et de l'engagement communautaire.

Merci d'avoir écouté Les Personnages de la Chambre.

Un grand merci à tous les anciens et anciennes député.e.s et merci à vous d'avoir écouté Les Personnages de la Chambre.

Je m’appelle Chloë Hill, coordinatrice de recherche au Centre Samara. L'équipe qui soutient ce balado est composée de Sabreena Delhon, Beatrice Wayne, Vijai Kumar, Colm O'Sullivan et David Moreau.

La chanson thème a été composée par Projectwhatever.

Nous sommes reconnaissants au Patrimoine canadien pour son soutien financier.

Le Centre Samara pour la démocratie est une organisation caritative non partisane. Notre mission est de réaliser une démocratie résiliente avec un public engagé et des institutions réactives. Pour soutenir notre travail, visitez samaracentre.ca et cliquez sur « faire un don ». 

Ce balado fait partie du Projet d'entrevues avec les député.e.s sortants et sortantes. Pour en savoir plus sur ce projet et d'autres recherches, visitez notre site Web et suivez-nous sur Twitter et Instagram @thesamaracentre.

Si, comme nous, vous vous intéressez à l'aspect humain de la politique, aidez-nous à faire connaître notre balado. Évaluez et laissez un commentaire sur notre émission sur Apple Podcasts, vous seriez surpris de voir à quel point cela nous est utile. Parlez-en à vos amis. Et si vous enseignez, partagez cette émission avec votre classe. 

Merci de nous avoir écoutés.

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